Dans le mantrailing, les regards se posent d’abord sur le chien, ce museau vif et déterminé, et sur son conducteur qui l’accompagne avec une confiance presque instinctive. Pourtant, il existe un troisième acteur, plus discret, sans lequel rien ne se ferait : le traceur. Il ne se contente pas d’errer au hasard pour « créer » une piste. Sous les indications de l’instructeur, il suit un chemin choisi, laisse derrière lui son empreinte invisible et devient la destination, l’objectif ultime de l’exercice.

Être traceur, c’est accepter d’endosser un rôle d’ombre. On marche, on s’arrête, on s’assoit parfois dans un recoin de ville ou au bord d’un champ, et on attend. Le silence se fait compagnon. Le temps se dilate. Le vent, la pluie ou le soleil deviennent des partenaires de fortune. Et dans cet instant suspendu, on n’existe plus pour soi mais pour celui qui cherche. Le chien ignore tout du décor, il n’a qu’un but : remonter ce fil invisible qui mène jusqu’à vous.

Ce rôle peut sembler simple, presque secondaire. Mais il demande bien plus qu’il n’y paraît. Il faut savoir patienter, souvent longtemps, sans céder à l’impatience. Il faut respecter chaque instruction donnée par l’instructeur, car un détour ou une improvisation suffit à brouiller l’histoire olfactive. Et surtout, il faut être présent, pleinement, au moment de la rencontre. Car lorsque le chien vous retrouve, haletant, fier et concentré, vous êtes sa récompense. Vous êtes le point de chute qui justifie tout son effort. Votre attitude, votre accueil, votre voix ou votre geste comptent autant que la piste qu’il a suivie. Certains chiens se réjouissent dans l’exubérance d’un jeu, d’autres préfèrent une caresse discrète. Quelques-uns, plus sensibles, exigent une présence stable, calme, capable d’offrir un contact en toute sécurité.

Le traceur n’est pas qu’un marcheur invisible, il est un témoin privilégié. C’est lui qui observe de près la magie du flair canin, cette faculté étonnante de retrouver une personne malgré le vent, la pluie ou la foule. C’est lui qui vit l’expérience étrange d’attendre dans le silence, avant d’être soudain happé par la joie débordante d’un chien qui l’a trouvé. Et c’est souvent en traçant que l’on apprend à comprendre les subtilités du binôme, à lire les petits gestes du conducteur, à saisir l’art silencieux de cette discipline.

Il y a dans ce rôle une forme de don. On donne son temps, son odeur, sa disponibilité. Mais on reçoit en retour une expérience rare : celle d’être indispensable. Car sans traceur, il n’y a pas de piste, et sans piste il n’y a pas de mantrailing. Chaque traceur devient un maillon d’une communauté soudée par la passion et l’entraide, où chacun accepte de se mettre au service des autres pour que tous progressent ensemble.

Le traceur n’est pas dans la lumière. Il ne brille pas au premier plan. Mais il est ce partenaire silencieux qui rend tout possible. Être traceur, c’est être le but de la quête, le visage que l’on retrouve avec fierté, la récompense vivante qui donne sens à l’effort. Dans le mantrailing, si le chien est le héros, le traceur est l’auteur discret de chaque histoire.

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